L'histoire
Tout commence en 1896, quand vient au monde Lucien Trouillard, à la « Pointe à Pitre », lieu-dit situé à environ 6 km au sud d’Epernay.
Famille pauvre, mais pas miséreuse. Le père de Lucien sera employé au temps de leur grandeur, aux ateliers de réparation des chemins de fer d’Épernay, n’existant plus aujourd’hui. Quant à Lucien, il travail dès l’âge de 12 ans à la briqueterie qui se trouvait à 100 mètres de son lieu d’habitation.
Les vestiges de ses fours sont d’ailleurs encore là, sur le terrain occupé par l’Hotel-restaurant « La Briqueterie », construit par Jean Trouillard sur l’ancien jardin de Lucien. Quelques années plus tard, après la Briqueterie et avec un bagage équivalent au certificat d’étude, Lucien se fait embaucher chez un vigneron local, où il apprendra les métiers du vin et Champagne.
Le vin l’intéresse, il en apprend tous les aides de l’élaboration, jusqu’à la technique du « remuage », et accède ainsi au niveau de « chef de cave », qui correspond, dans la profession, à une sorte de bâton de maréchal.
Peu de temps après, Lucien saisit une occasion de s’associer à 50/50 avec un marchand de Vin d’Épernay, et démarre avec lui un négoce de vins et champagne, l’ancêtre de la future Maison Trouillard. C’est l’époque des commencements. Le vin rouge représente, pour l’instant, l’essentiel du chiffre d’affaire, sur la base d’une clientèle exclusivement locale. Les livraisons se font en carriole, tirée par un cheval nommé Bayard.
Une activité qui dure
Cette activité perdurera très longtemps, jusqu’après la deuxième guerre mondiale. Mais pour Lucien, le véritable objectif, c’est le Champagne. Il souhaite alors devenir « négociant en vin de champagne ».
Il épouse Henriette. Puis il achète une maison avenue Foch à Épernay, qui peut aussi, grâce à ses caves, permettre le développement d’une activité « champagne ».
Arrive ensuite deux fils, Jean en 1907 et René en 1914.
Entre temps
Il achète la part de son associé, et est devenu seul maître à bord.
En 1911, les vignerons qui n’arrivent plus a vendre leur raisin se révoltent. Des maisons de champagnes sont incendiées ou saccagées. C’est après cela que le concept d’ « Appellation d’origine controlée » (AOC) commence à émerger mais la guerre éclate et les discussions sont interrompues.
Elles reprendront après la guerre et mèneront à la fameuse loi de 1927, qui façonnera tout le paysage viticole français, puis européen. Cependant, Lucien est mobilisé et va disparaitre pendant 4 ans, connaitre la vie des tranchées à Verdun, puis revenir, indemne. Pendant ces 4 années d’absence, Henriette sauvegarde l’acquis et veillera à ce que rien ne disparaisse ni ne soit dilapidé.
Henriette décède en 1950. La famille de René déménage et vient vivre avec Lucien. Quelques temps après, Lucien subit un accident par lequel il devient sourd par la suite.
Pendant ces années, la direction de la Maison passe progressivement dans les mains de Jean et René. La répartition des taches se fait en douceur : Jean dirige la partie « technique », tandis que René s’occupe de la partie « commerciale et financière ».
L’ombre de Lucien, et avec elle, la cohésion des commencements, continue de régner.
La Maison Trouillard se fait ainsi une jolie place au soleil de la Champagne. Sous l’impulsion de Jean, un vignoble est même en train de se constituer, par petits achats successifs. Il atteindra une quinzaine d’hectares. Mais, se faire une place au soleil c’est bien, mais pas tout à fait suffisant. Pour parfaire cette reconnaissance, désormais acquise, il faut lui donner un parfum de prestige, c’est-à-dire l’asseoir sur une « Marque ».
Une voie nouvelle ne demande qu’à s’ouvrir...
Retour de guerre, début des « Trente Glorieuses » (1945-1975) ;
Une période d’expansion quasiment continue s’ouvre, avec laquelle, sans surprise, coïncide l’explosion des ventes, stimulées par-dessus le marché par le nouveau statut d’AOC du vin de Champagne.
Puis le champagne devient rapidement un signe extérieur de « bien-vivre », qui s’affranchit des contraintes sociales et se consomme... à chaque fois l’envie en crée l’occasion ! La Maison Trouillard, comme beaucoup d’autres, prend son envol.
Pas n’importe quel envol. Difficile, en effet, de construire une marque sur le nom « Trouillard » ! De plus, le développement d’une marque nécessite de tels investissements commerciaux, et sur une telle durée, que le jeu n’en vaut peut être pas la chandelle.
L’appellation « Champagne »
Lorsque l’appellation « Champagne » n’existait pas, la « marque » était le seul moyen de fidéliser une clientèle.
L’option commerciale retenue est celle des « marques de distribution » ou « marques d’acheteur ». Elle consiste à élaborer et à fournir le champagne sous une marque appartenant au client ou dont le client a l’exclusivité.
Dans ce domaine des « marques de distribution », la Maison Trouillard devient progressivement un poids lourd : au cours des années, elle fournit, à un moment ou à un autre, pratiquement outes les chaînes de distribution qui comptent en France, ainsi que de nombreux grossistes indépendants, restaurants renommés, etc.
La Maison TROUILLARD se fait une jolie place
Elle devient le n°1 de ce type de commercialisation, avec position dominante au Royaume Uni. A son apogée, la Maison atteint un niveau de ventes d’environ trois millions de bouteilles par an, qui la place au 10ème rang, en volume, des Maisons de Champagne. Nous sommes dans les années 70.
La Maison Trouillard se fait ainsi une jolie place au soleil de la Champagne. Sous l’impulsion de Jean, un vignoble est même en train de se constituer, par petits achats successifs. Il atteindra une quinzaine d’hectares. Mais, se faire une place au soleil c’est bien, mais pas tout à fait suffisant. Pour parfaire cette reconnaissance, désormais acquise, il faut lui donner un parfum de prestige, c’est-à-dire l’asseoir sur une « Marque ». L’idée fait son chemin. Une voie nouvelle ne demande qu’à s’ouvrir...
Dans ce domaine des « marques de distribution », la Maison Trouillard devient progressivement un poids lourd : au cours des années, elle fournit, à un moment ou à un autre, pratiquement outes les chaînes de distribution qui comptent en France, ainsi que de nombreux grossistes indépendants, restaurants renommés, etc.
Nous sommes en 1960...
Une occasion se présente : la Maison De Venoge est à vendre ! Voici une vraie « Marque », établie depuis 1837, comptant parmi les plus grandes. Ce genre d’occasion ne se présente qu’une fois.. Ils se lancent !
Évidemment, ce beau morceau suscite des convoitises. Moët & Chandon est elle aussi sur les rangs, mais cette fois-ci par pour la Marque De Venoge, mais pour les stocks. Un accord est trouvé : Trouillard rachète la marque, les bâtiments et les caves, tandis que Moët & Chandon reprend les stocks.
Pendant les vingt années qui suivent, des énergies considérables sont dépensées à la résurrection et à la promotion de la marque De Venoge. L’ensemble des moyens de production du groupe Trouillard/De Venoge est concentré Avenue de Champagne.
Pendant ce temps
La marque TROUILLARD, qui n’a jamais cessé d’exister, mais ne fait pas l’objectif de promotion massive, poursuit son chemin, surtout en France. On parle ici d’environ 200 000 bouteilles par an.
Depuis la fin des années 50, la troisième génération entre progressivement en scène. D’abord les fils de Jean : Michel travaille au cotés de son père, Jacques s’investit dans le commercial France et les achats, Pierre choisit l’Hôtellerie. Puis les enfants de René : Luc reprend les marchés export et le Comité d’entreprise, Bertrand travaille avec Jean et Michel, Florence, elle, part très tôt à Paris vers d’autres horizon. L’entreprise ne distribuant pas de bénéfices, le salariat constitue le principal moyen de distribution de revenus aux actionnaires.
C’est malheureusement en 1966, à 87 ans que Lucien décède.
Personne ne voit venir Mai 1968...
Une fois les troubles étudiants calmés, les syndicats prennent courageusement le relais. A Épernay comme ailleurs, une vague de grèves déferle. Au-delà du calme apparent qui succède aux « accords de Grenelle », l’épisode laissera évidemment des traces profondes et durables dans les esprits des deux « branches »...
Progressivement, un changement d’atmosphère se met en place. La gestion de la pérennité de l’entreprise commence à occuper les esprits. Non pas du point de vue strictement économique, car après tout, les affaires ne vont pas si mal.
L’avenir de la Maison
Malheureusement, Jean décède en 1974...
L’avenir de la Maison, object d’un consensus respectueux et silencieux tant que tous les « fondateurs » étaient là, devient une préoccupation ouverte.
C’est en 1977 que les fils de Jean se questionnent les premiers. En fait, plutôt qu’une question, ils expriment un désir, celui de vendre la Maison... une option radicale, fondée sur des raisons objectives, mais participe aussi d’un climat psychologique particulier.
Les raisons psychologiques l’emportent, l’issue s’impose : la vente.
C’est en effet un an plus tard, en 1980, que la vente est conclue avec Joseph Henriot, qui avait déjà racheté quelques années avant, la Maison Charles Heidsieck.
A partir de ce moment, la dispersion est consommée :
- René prend sa retraite
- Luc, après reflexion, quitte la Champagne et le champagne six mois après la vente et change complètement d’orientation.
- Bertrand reprend la marque Trouillard et se met à son compte pour le « Champagne Trouillard » à Foch. Elle sera vendue à son tour en 2006.
